Oui, mais si l'inactivité physique nous pousse à faire du lard, l'excès pondéral est aussi un frein physiologique et psychologique à la mise en mouvement d'un corps mal-aimé.
Si la personne obèse n'est pas encline à faire du sport, c'est avant tout parce que l'excès de poids fait obstacle à la mobilité et à l'effort, ce n'est pas une affaire de bonne ou de mauvaise volonté.
Pourtant l'activité physique est un élément important de l'équilibre pondéral, de la stabilité des variables biologiques (cholestérol, triglycérides, glycémie, tension artérielle, etc.) mais aussi de l'affirmation de soi et de l'amélioration de la vie relationnelle.
Stigmatisée par le regard des autres, la personne en excès de poids apprend à détester son corps et à fuir l'activité physique, et ce parfois dès les premiers cours d'EPS à l'école.
Sans alternative, la personne en surpoids, bien qu'elle ait besoin de s'activer, s'éloigne progressivement de toute implication où son corps est mis en jeu.
L'incitation au "Bouger plus" du PNNS (Programme National Nutrition Santé) est donc plus culpabilisante qu'efficace mais reste néanmoins un objectif à moyen et à long terme.
Faire du sport demande une pleine participation du sujet qui doit être motivé et volontaire dans son engagement.
Que faire alors si l'énergie indispensable que l'on appelle désir est absente ?
Pour étayer notre argument prenons comme référence un passage de l'ouvrage de Hilde Bruch "Les yeux et le ventre" * qui représente encore aujourd'hui l'une des références de la réflexion sur l'obésité :
"Bien que la recommandation : "Mangez moins et faites plus d'exercices" soit antique, la seconde moitié de la formule a été considérablement négligée [...] par la pensée médicale. On a objecté que la quantité de calories dépensée en exercice serait trop faible pour valoir l'effort, ou que l'excès d'activité provoquerait un excédent d'appétit. Les deux points sont erronés [...]
Le problème encore irrésolu, c'est de savoir comment transformer les données de base, qui sont celles de l'inactivité. [...] Il est parfois possible d'amener une jeune personne trop volumineuse à s'intéresser à des activités et à en tirer du plaisir. [...] Généralement, cela coïncide avec une réassurance de leur conscience qu'ils ont de leur corps. [...]
J'ai l'impression que ce qui amène à transformer une apparence, ce n'est pas tant des dépenses croissantes d'énergie, mais une attention croissante à son corps et à ses fonctions. [...]
Dans notre étude des enfants obèses, nous avons reconnu que l'inhibition des activités était un désordre plus important que l'excès de nourriture. Elle exprime une perturbation dans la totalité de l'approche à l'existence, un manque réel de plaisir d'utiliser son propre corps et une méfiance de sa propre habileté et de la maîtrise de soi."
C'est un fait que la plupart des personnes obèses, enfants comme adultes, sont imprégnées par un sentiment d'incapacité et d'incompétence physiques. Dans ce contexte, la thérapie psychomotrice est l'étape intermédiaire qui permet d'éveiller ce plaisir par la pratique d'activités corporelles en dehors du champ des performances sportives.
Au cours des séances de thérapie psychomotrice, la personne en surpoids est invitée à sentir son corps, à l'écouter, à l'imaginer, à en parler, et ainsi l'investir positivement.
Une fois sécurisée dans un corps qu'elle reconnaît, qu'elle perçoit, qu'elle comprend, qu'elle contrôle, la personne en surpoids sera en mesure de s'investir durablement dans une activité physique.
Si l'activité physique fait appel à la réalité du corps physique, elle mobilise aussi le corps psychique ou, autrement dit, l'image du corps.
L'image du corps ne se réduit pas à l'image spéculaire du corps, c'est-à-dire l'image du corps reflétée par le miroir.
L'image du corps est une notion neuro-psycho-physiologique qui recouvre des données singulières pour chaque individu.
Elle est propre à chacun, à son histoire, à ses expériences émotionnelles, ce en quoi elle est constitutive de la personnalité.
L'image du corps est donc une image subjective qui contient toute la mémoire sensorielle et émotionnelle du corps, nos joies comme nos blessures.
Une image du corps défaillante fait le lit au stress, à l'angoisse, à la dépression et potentiellement à la prise de poids.
La plupart des personnes désirant maigrir ou ayant peur de grossir (ce qui représente 80% des femmes), sans être obèses pour autant, souffre d'un appauvrissement de l'image de leur corps par la présence d'un idéal corporel le plus souvent inaccessible.
Une activité physique qui se limiterait à une augmentation de ses dépenses énergétiques en comptabilisant le nombre de répétition de l'exercice, le nombre de pas à la marche et le nombre de calories consommées, produira autant d'effet qu'un régime : une perte de poids, puis un relâchement des efforts et finalement une reprise de poids (souvent au-delà du poids initial) suivie d'un sentiment de découragement et de dévalorisation.
Valoriser l'image du corps se fait par l'intermédiaire d'activités physiques développant la sensorialité du sujet ; elles seront ainsi génératrices de plaisir, par la mise en jeu de sensations agréables.
De cette façon le sujet est remis au cœur de son action et n'est plus le comptable extérieur de la quantité de dépenses fournies.
En remettant un pilote aux commandes de son corps, un changement pondéral durable est possible.
La prise en compte des sensations alimentaires (faim, rassasiement, satiété) pour réguler son appétit en sera améliorée.
La gestion des émotions (souvent responsables de l'impulsivité alimentaire) en sera aussi facilitée.
L'idéal corporel ne sera peut-être pas atteint mais l'image du corps sera valorisée par le plaisir de bouger son corps, ce qui amènera une forme de réconciliation avec soi.
Parmi les activités génératrices de plaisir, il en est une, millénaire, polymorphe et universelle : la danse.
La danse c'est le plaisir de bouger à l'état pur. Le mouvement dansé se structure par le seul ressenti et non par le contrôle du regard, par le jeu avec la pesanteur, par la recherche de rythme et de musicalité, par le recours au laisser-faire, au lâcher-prise.
Le besoin de danser nous habite tous, réveillons-le !
* Bruch, H. 1975. "Les yeux et le ventre". Paris : Payot. pp 362-363
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