Les top-models et autres "people" imposent un modèle d'esthétique corporelle inaccessible pour 90% des femmes.
Les quelques imperfections qui confèrent de l'humanité à un corps sont gommées soit par la chirurgie plastique soit par le traitement synthétique des images.
Autant dire que ces images deviennent des mirages pour ceux et celles qui souhaitent modeler ou plutôt modéliser leur silhouette.
Dès l'apparition du mot "silhouette" au 18ème siècle, il contenait déjà la notion d'épurement des formes. A l'origine du mot, un personnage : Etienne de Silhouette, Contrôleur général des Finances sous Louis XV.
A son nom se sont associés les termes d'économie, de restrictions, de sécheresse, d'avarice.
Si bien qu'on parle vite de "culotte à la Silhouette", c'est-à-dire sans gousset et sans plis. La "culotte à la Silhouette" serait ainsi l'antithèse de la "culotte de cheval".
Rapidement "silhouette" devint un mot à part entière désignant soit l'esquisse, soit l'ombre, soit les contours, soit la morphologie, soit la posture du corps, c'est-à-dire sa forme globale, sans détails.
Les vêtements ont ensuite participé à dessiner une silhouette affinée : les corsets, les gaines, puis les soutiens-gorges Wonderbra, les collants remonte-fesses et ventre-plat.
La seule obsession étant de gommer les formes supposées disgracieuses pour garder la ligne de sa silhouette.
L'exigence aujourd'hui devient de plus en plus forte car les corps se montrent, se dénudent et le vêtement ne peut plus à lui seul à cacher les imperfections quand il s'agit de se mettre en tenue de sport ou en maillot de bain.
Regardons le corps des sportifs habillés de tissus élastiques et moulants, toujours plus près de la peau pour que le muscle apparaisse de plus en plus saillant.
La silhouette se confond désormais avec la limite cutanée débarrassée de l'ajout des vêtements.
L'exigence esthétique se tourne vers le sport, le fitness, le body-building, le body-sculpt, mais aussi l'électrostimulation et en dernier recours la liposuccion dont on connaît l'inefficacité et les méfaits.
Les dérives "thérapeutiques" pour contrer problèmes de poids voire obésité
On en vient même depuis peu à s'infliger des mutilations digestives pour perdre du poids : anneaux gastriques, réductions de l'estomac, dérivations gastro-intestinales.
C'est aujourd'hui un phénomène de masse qui a triplé, en France, en moins de dix ans : 44 000 Français ont "bénéficié" d'une chirurgie de l'obésité en 2013, le score le plus élevé d'Europe.
Le rapport bénéfices/risques est actuellement en débat. Même s'il s'agit de lutter contre la morbidité de l'obésité, cela donne des idées à tout le monde et le risque de dérive est extrêmement inquiétant.
Après s'être infligé toutes ces peines et pris parfois des risques extrêmes, nous allons vite interroger notre balance et notre miroir.
Miroir mon beau miroir, suis-je bien aux normes ?
Ce que nous renvoie le miroir n'est pas l'image de notre corps mais n'est que son reflet, c'est-à-dire une illusion, un mirage.
Allons-nous sombrer comme Narcisse captivé à ce point par son reflet dans l'eau, qu'il se noya au grand désespoir de la nymphe Echo ? Il est certain que notre reflet nous attire.
Observons les passants dans la rue : nombreux sont ceux dont le regard est aimanté par les multiples surfaces réfléchissantes que le monde urbain nous impose. Cela nous est tous arrivé un jour, sans même nous en rendre compte.
Tous ces miroirs sont une atteinte à notre intériorité. A trop les regarder, ils nous vident de notre substance.
Nous évoquions Etienne de Silhouette, contemporain de Louis XV, mais nous pourrions situer l'avènement de la civilisation du miroir dès Louis XIV avec la construction de Versailles et de la fameuse Galerie des Glaces.
C'est d'ailleurs à cette époque que le Roi Soleil édicta les fondements de la danse classique, la seule danse qui s'élabora devant le miroir.
De cette époque vient le fait qu'aujourd'hui, une salle de danse ne peut être agréée comme telle que si elle possède un miroir.
L'usage de celui-ci peut apporter des informations sur la précision d'un mouvement, d'une posture. Mais les informations visuelles se doivent d'être complétées par les informations qui viennent du corps interne.
Le corps en mouvement : là entre en jeu la thérapie psychmotrice
Sinon le mouvement n'est pas vécu, le corps n'est pas habité, il n'a pas plus de valeur qu'un ectoplasme.
L'image du corps ne se réduit pas à l'image spéculaire même si l'illustre Jacques Lacan, ayant observé des enfants jubiler face à leur reflet, a parlé du "stade du miroir" comme une étape fondamentale de la construction de la conscience de soi.
Force est de constater que peu d'entre nous jubilent devant leur miroir.
En fait l'image du corps se construit à partir de toute notre sensorialité. L'image de notre corps est le fruit de notre perception qui n'est qu'une reconstruction de la réalité.
Nous imaginons le corps que l'on a à partir de nos sensations cutanées, osseuses, musculo-tendineuses, viscérales, mais aussi auditives, olfactives, gustatives et éventuellement visuelles.
Ainsi les personnes non-voyantes ont elles une image de leur propre corps souvent beaucoup plus positive que les personnes voyantes.
Le travail thérapeutique qui s'impose alors face aux perturbations de l'image du corps, qu'on retrouve massivement dans les problématiques pondérales et alimentaires, doit-il procéder d'un véritable "nourrissage" sensoriel.
Réveillons la peau par le toucher et le massage.
Réveillons l'os par de légères percussions.
Réveillons le muscle par l'étirement.
Réveillons les organes par les vibrations.
Réveillons notre corps énergétique par le souffle.
Ainsi nous renforcerons l'image de notre corps en profondeur et la surface n'en sera que plus belle sans avoir besoin de questionner notre miroir.
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